Exemple d’un problème de prise de décision

Comme les études de cas d’Hydro-Québec et de Manitoba Hydro renferment des données sensibles qui ne peuvent être communiquées publiquement, nous avons créé une étude de cas fictive pour démontrer une application du cadre de prise de décision robuste (PDR) dans le secteur de l’hydroélectricité. L’étude examine différentes options se rapportant au réservoir et à la centrale afin d’évaluer l’impact de changements à long terme dans les débits sur la production et le rapport coûts-avantages. Le problème est exposé selon le cadre XMLR, conçu pour aider les décideurs à définir les variables influant sur leurs décisions. Les quatre éléments présentés dans la section À propos sont les suivants : les incertitudes (X), les mesures (M), les leviers (L) et les relations (R).

Incertitudes

Cet exemple tient compte des incertitudes suivantes :

  • dQ: changements dans le débit moyen
  • dT: changements dans la température
  • dP: futurs prix de l’électricité
  • dR: taux d’actualisation.

Changements dans le débit

Les valeurs de débits futurs sont modélisées en multipliant les données observées de débit par un facteur qui varie de façon linéaire dans le temps. Ce facteur, dont le point de départ est de 100 % en 2016, évolue en fonction des valeurs de dQ en 2050, comprises entre -20 % et +30 % par rapport aux valeurs historiques : \(Q'=Q \times (1+dQ(t))\). Cette échelle linéaire est une simplification rudimentaire, puisque les projections climatiques suggèrent des changements dans le cycle annuel de débit, par exemple de forts débits en hiver et de faibles débits en été.

Changements dans la température

Le changement dans la température a une incidence sur la demande d’électricité pour le chauffage et la climatisation. Avec chaque degré C de réchauffement, le profil type de la demande du sud du Québec évolue vers un profil plus représentatif de celui de la Nouvelle-Angleterre. La figure ci-dessous montre l’éventail des profils de demande examinés.

Patron de demande
Patron de demande de référence et futur variant avec la température projetée.

Futurs prix de l’électricité

Le prix auquel l’électricité sera vendue en 2050 (dP) comporte un large éventail de valeurs, allant de 10 $/MWh à 110 $/MWh. À des fins de comparaison, la figure ci-dessous montre le prix annuel moyen du marché du Vermont. Les prix fluctuent selon l’échelle annuelle et l’échelle horaire, mais dans cet exercice nous ne tenons compte que des changements annuels et du cycle mensuel moyen. Il est probable qu’avec la hausse des températures, les prix d’hiver baissent, mais cela n’est pas inclus dans la présente démonstration.

Prix moyen annuel
Prix moyen annuel de l'électricité dans le marché du Vermont (gauche) et cycle mensuel moyen (droite). Les barres verticales décrivent la déviation standard des prix journaliers autour de la moyenne.

Taux d’actualisation

Le taux d’actualisation (dR) désigne le rendement attendu d’un investissement boursier dont le profil de risque est semblable à celui de l’investissement hydroélectrique envisagé. Les décideurs s’appuient sur cette comparaison pour décider s’ils investissent simplement leurs capitaux dans le marché boursier ou construisent un ouvrage. En raison de ce taux, la valeur actuelle nette des revenus dégagés à l’horizon de dix ans sera inférieure à celle des mêmes revenus dégagés à l’horizon de cinq ans. Les taux d’actualisation examinés ici vont de 0 à 12 %.

Mesures

De nombreux paramètres permettent d’évaluer le rendement d’un investissement hydroélectrique, chacun ayant une importance relative qui varie selon chaque personne. Comme l’objectif des outils d’aide à la décision n’est pas de remplacer les décideurs mais bien de leur fournir une information facilement accessible, nous présentons ici sept mesures de rendement qui qualifient l’investissement.

  • Énergie: quantité annuelle moyenne d’énergie (GWh) produite par la centrale
  • Énergie ferme: énergie garantie, c.-à-d. l’énergie annuelle minimale produite pendant la période de simulation
  • Déversement: débit déversé moyen, c’est-à-dire le débit qui ne peut être turbiné en raison de contraintes de capacité
  • Marnage: fluctuations annuelles moyennes du réservoir – soit la moyenne de la différence entre les niveaux maximaux et minimaux du réservoir pour la période
  • Zone inondée: zone inondée par le réservoir à son niveau d’exploitation maximal
  • Taux de rendement interne: taux d’intérêt auquel la valeur actuelle nette de l’investissement (revenus – coûts) est zéro
  • Valeur actuelle nette: valeur actuelle de l’investissement, englobant les coûts et les revenus futurs escomptés.

Parmi ces mesures, l’énergie sert à planifier la suffisance de la ressource, de manière que les ressources générées puissent répondre à la demande projetée. L’énergie ferme est un paramètre de fiabilité dont les producteurs se servent pour convaincre les acheteurs et les autorités réglementaires qu’ils sont capables de répondre à la demande et d’honorer les conditions des contrats de vente. Le débit déversé mesure la quantité d’eau qui ne peut servir à produire de l’électricité, ce que les ingénieurs s’efforcent de réduire en augmentant la capacité ou le réservoir de stockage. Les fluctuations du niveau du réservoir, quotidiennes et saisonnières, dépendent de l’équilibre entre les débits entrants et la demande d’énergie. Quand les fluctuations sont importantes, elles peuvent avoir des impacts sur l’érosion des berges, la biogéochimie et les habitats. De façon similaire, quand le volume du réservoir augmente, la zone inondée augmente également. Or une zone inondée suppose le déplacement de communautés, la perte d’habitats et de sites historiques et la conversion de puits de carbone forestier en sources de carbone aquatique. Soulignons cependant que ces impacts ne sont pas nécessairement proportionnels à la zone inondée. Le taux de rendement interne et la valeur actuelle nette sont les deux mesures économiques de la valeur d’un investissement sur la durée de l’amortissement.

Leviers

La présente étude de cas compare quatre options pour une centrale hydroélectrique située dans une région nordique. Ces options sont les leviers (L) du cadre XMLR-E et varient selon le volume du réservoir et la capacité de la turbine. Ce sont : petit; moyen/énergie; moyen/capacité; et grand, la taille correspondant au volume du réservoir et l’énergie et la capacité indiquant si l’accent est mis sur la production d’énergie ou la réponse à la demande de pointe.

  • Petit: un réservoir de 4 000 hm³ de capacité moyenne (~1,000 m³/s),
  • Moyen/énergie: un réservoir de 17 000 hm³ de petite capacité (~900 m³/s),
  • Moyen/capacité: un réservoir de 12 000 hm³ de grande capacité (~1200 m³/s), and
  • Grand: un réservoir de 47 000 hm³ de grande capacité (~1200 m³/s).

Ces quatre options donneront différents résultats et notre objectif est de pouvoir les afficher et les comparer rapidement dans des conditions futures. Dans chaque cas, nous supposons que la construction commence en 2020, que la centrale est fonctionnelle en 2025 et que son coût est amorti sur 50 ans, soit jusqu’en 2065. Les coûts approximatifs ont été sélectionnés par défaut, mais peuvent être modifiés.

Relations

Comme il s’agit ici de démontrer une application de l’outil d’aide à la décision, la modélisation des relations entre les changements climatiques, la production hydroélectrique et les divers paramètres a été considérablement simplifiée. Par exemple, le modèle de production énergétique, extrêmement simple, repose sur la maximisation de l’énergie ferme. Plus précisément, il pose comme hypothèse que la production d’énergie mensuelle doit répondre en tout temps à la demande mensuelle multipliée par l’énergie annuelle ferme. L’algorithme d’optimisation établit ensuite la valeur la plus élevée que l’énergie peut atteindre sans nuire aux niveaux d’exploitation minimale et maximale du réservoir. Les véritables modèles de production sont nettement plus complexes et tiennent compte des prix de l’énergie instantanés, des prévisions de débit, de la congestion du réseau et de nombreuses autres contraintes opérationnelles. L’optimisation de la production se fait pour toutes les valeurs du débit futur (dQ), de la température future (dT) et des leviers (L). Les résultats en termes de production d’énergie, de débit déversé et de fluctuations du réservoir sont enregistrés pour le calcul des divers paramètres sur la période d’amortissement.

Prévisions d’experts

Pour les décideurs, il est souvent utile de prendre en considération l’opinion de divers experts sur des sujets complexes. L’application comprend de l’information sur le ruissellement futur et les changements de température tirés des modèles de climat de l’ensemble CMIP5 utilisés dans le cinquième rapport du GIEC ainsi que des données sur les taux d’actualisation de différentes institutions et les projections des prix de l’énergie en Nouvelle-Angleterre établies par la U.S. Energy Information Agency. En cliquant sur le nom de l’élément dans le menu à gauche de l’écran, on peut faire afficher des points sur le graphique et le curseur des axes, dont la position indique les valeurs projetées.

Pour utiliser l’application

Cette application ne vise pas forcément à trouver la meilleure option d’investissement, mais plutôt à fournir des données suffisantes pour permettre aux décideurs d’examiner les conséquences de chaque option et de prendre ainsi une décision éclairée. Pour en faire l’essai, sélectionnez les paramètres qui vous paraissent les plus pertinents et comparez les options selon divers futurs qui vous semblent plausibles. Déplacez le curseur pour évaluer la sensibilité de vos décisions aux changements dans les variables incertaines. Vous pouvez comparer les valeurs des paramètres d’options multiples en cliquant sur Leviers 1D. Vous pouvez également évaluer le regret correspondant au choix d’une option, et pas une autre, en cliquant sur le bouton Regret 2D. Vous trouverez des explications détaillées en cliquant sur « ? » dans le menu principal de l’application.